Pour un plan national "Piéton"


La marche à pied, grande oubliée des politiques publiques de mobilité

Le 14 septembre 2018, le gouvernement a présenté un plan national dénommé « Plan vélo et mobilité active ». Quelques mois plus tard, en décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités dite LOM consacrait les mobilités actives, à savoir le vélo et la marche à pied. Un fond de 350 millions d’euros est aussitôt dédié pour mettre en place ce plan auquel s’est ajouté depuis 100 millions d’euros au titre du plan de relance.

Force est de constater que jusqu’à présent, ce plan et ses fonds sont intégralement dédiés au vélo et que la marche à pied est totalement oubliée. Pour autant, la marche est le deuxième mode de déplacement urbain avec 23% de part modale mais loin derrière la voiture (67%).

Il est temps que la marche à pied retrouve toute sa place dans les politiques de mobilité. Elle est par excellence le mode des premiers et derniers kilomètres des autres mobilités motorisées.

Comment alors encourager les habitants d’une ville ou d’un village à privilégier la marche si aucune impulsion n’est donnée au niveau national ? Une récente enquête vient de montrer que des pays européens commencent à s’en soucier comme l’Allemagne, mais aussi l’Autriche, la Finlande ou le Royaume-Uni (lire le rapport  Plans et stratégies nationales sur la marche Exemples européens -  décembre 2020 – DGTIM) avec la mise en place de Plan Piéton.

Pour l’instant, la marche à pied reste la grande oubliée des politiques publiques de mobilité en France tant au niveau national qu’au niveau territorial alors qu’elle est la seule mobilité à aligner toutes les bienfaits attendus par notre société.

La marche à pied  est la meilleure réponse dans  la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air. La marche à pied contribue largement au développement économique, social, sanitaire, culturel et touristique de la nation (lire la note : quelques vérités sur la marche à pied). C’est une mobilité inclusive

Si la marche à pied a autant de vertus, pourquoi n’était-elle pas mise en avant ?

La marche à pied ne serait appropriée que pour les très courtes distances de moins d’un kilomètre  Or, près de la moitié des déplacements en voiture se fait à moins d’un kilomètre, distance qui peut se parcourir à pied sans problème pour peu que l’espace soit marchable.

La marche à pied n’est pas considérée comme un moyen de transports alors que dans 88% des déplacements domicile/travail, la marche à pied est présente en début et/ou en fin de parcours, soit en intégralité. La marche à pied est l’alliée des transports publics (lire  à ce sujet Eric Chareyron, directeur de la prospective de l'exploitant Keolis)

Certes, la marche à pied fait face à de trop nombreux obstacles qui peuvent être dissuasifs.

Marcher à pied dans nos villes est souvent un parcours du combattant pour peu que votre mobilité soit réduite par un handicap. Trottoirs encombrés de véhicules en stationnement, de terrasses ou de chantiers obligeant à traverser. Cheminement piéton réduit par la présence de pistes cyclables, de mobiliers urbains ou de poubelles. Itinéraires piétons discontinus ou rallongés pour contourner une infrastructure routière ou fluviale, ou totalement absent pour rejoindre un centre commercial ou deux villages.

L’idée la plus souvent admise par les élus et techniciens dans ces situations est que le piéton est malléable, peut s’adapter et qu’au final, il n’a qu’à se débrouiller. C’est oublié que le piéton est l’usager le plus vulnérable de l’espace public.

Il y a urgence à ôter cette vision du piéton face au vieillissement de la population et à la sédentarisation de nos enfants.

IL Y A URGENCE DE DISPOSER D'UN PLAN NATIONAL EN FAVEUR DU PIETON POUR LA DECENNIE A VENIR (2020-2030)

Ce plan doit avoir pour ambition que la marche à pied soit présente dans un déplacement quotidien sur trois en France avec une augmentation significative aussi bien en milieu urbain quand milieu rural. L’objectif est d’élever la mobilité piétonne au premier rang dans la hiérarchisation des modes de déplacement.

POUR CE FAIRE, CE PLAN DOIT VISER TROIS AXES ET 26 PROPOSITIONS :

  • le développement d’une culture piétonne
  • l’amélioration des infrastructures piétonnes et leur sécurisation
  • la mise en place d’un cadre financier et la promotion d’une économie de la marche à pied

Axe 1 – le développement d’une culture piétonne et d'une connaissance de la marche à pied

  1. Nommer un(e)(e) délégué(e) interministériel(le) à la marche à pied
  2. Apprendre la marche à pied en milieu scolaire dès le plus jeune âge (savoir s’orienter, savoir traverser, savoir marcher en ville, en milieu rural ..), intégrer la marche à pied dans les attestations scolaires de sécurité routière
  3. Introduire un savoir et savoir-faire sur la marchabilité dans les formations professionnelles tournées vers l’aménagement du territoire, l’urbanisme et la voirie
  4. Inciter à la prise en compte de la marche à pied dans  tous documents de planification prévus par la loi ( plans de déplacement scolaire, plan de déplacement en entreprise, plan mobilité, schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, plan local d’urbanisme)
  5. Intégrer le développement de la marche à pied dans une stratégie nationale sport-santé
  6. Créer un observatoire national de la marche à pied ou introduire dans les observatoires des mobilités la marche à piec comme mode de déplacement principal
  7. Créer un registre des accidents de piétons, y compris les chutes sans tiers et mener systématiquement des enquêtes détaillées pour les cas de blessures graves
  8. Favoriser la participation des piétons à travers notamment leurs associations dans les débats nationaux ou locaux ayant un volet « mobilité »

Axe 2 – l’amélioration des infrastructures piétonnes et leur sécurisation

  1. Compléter le Code de l’environnement pour  « qu’à l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines doivent être mis au point  des cheminements piétons sous forme de trottoirs ou d’accotements stabilisés en plus des itinéraires cyclables déjà obligatoire; afin de supprimer les discontinuités piétonnes
  2. Introduire un volet « prise en compte de la marche » dans les études d’impact des projets d’aménagement de l’espace public et de mobilité et leurs dossiers d'enquête publique
  3. Définir juridiquement le trottoir et la notion de « cheminement piéton », comme espace réservée aux piétons dans le Code de la route
  4. Imposer des normes d'aménagement des trottoirs dans les règlements de zone prévus au Code de l'Urbanisme
  5. Revisiter le Code de la Route pour lever les contraintes imposées aux piétons au regard de la circulation des véhicules motorisés ou non
  6. Limiter à 20 km la vitesse sur les aménagements cyclables, à 10 km/h la vitesse dans les zones de rencontre et à 4 km/h l’allure du pas dans les aires piétonnes
  7. Imposer des normes techniques type AFNOR dans la réalisation des aménagements de voirie et de l’espace public pour garantir l’accessibilité des piétons et leur sécurité, mener des audits des aménagements de voirie pour faire respecter les règles de l'art  avec en priorité l'audit des passages piétons et réaliser des inspections à pied avant ouverture au public
  8. Mieux faire respecter les règles du Code de la Route par une verbalisation éducative des usagers de véhicule
  9. Encourager la praticabilité des accotements des routes hors agglomération pour les rendre marchables
  10. Recommander l’éclairage des trottoirs à la place de celui des chaussées pour une meilleure sécurité publique des piétons
  11. Imposer la mise à jour des Plans d’accessibilité à la voirie (PAVE), pour tenir compte de l’intrusion des mobilités émergentes et du développement des aménagements cyclables

Axe 3 – la mise en place d’un cadre financier et la promotion de la  « marche à pied »

  1. Orienter  le fond « mobilité active » en priorité sur  la réduction des coupures liées aux infrastructures (autoroutes, voies ferrées, …) obligeant le piéton à de long détours
  2. Ouvrir des possibilités d’aides financières aux collectivités locales dans le cadre du plan « mobilités actives » pour réaliser des diganostic de marchabilité d'ensemble
  3. Etendre aux piétons le bénéfice de la contribution transport des employeurs et ouvrir le forfait "mobilité durable" pour leur déplacement "domicile/travail.
  4. Soutenir les outils numériques développés par la French Tech, dédiés à la marche à pied
  5. Orienter le marché français du tourisme vers la marche en ville ou à la campagne
  6. Encourager les services dédiés à la marche (sanitaires, bancs de repos, fontaine, abris,..) dans le cadre des MaaS
  7. Favoriser l’accessibilité à pied de l’activité économique
  8. Promouvoir des campagnes de communication, d’information et de sensibilisation, en valorisant les bienfaits de la marche à pied (santé, protection de l’environnement, socialisation)

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