Le feu jaune piéton, réponse inappropriée à un vrai problème


Par un arrêté du 21 avril 2023, les ministères en charge du Code de la Route viennent d’autoriser l’expérimentation du feu jaune piéton dans les carrefours à feux de six grandes villes « en vue d’améliorer la sécurité des piétons en améliorant la compréhension du temps de dégagement par les automobilistes et le respect du rouge par les piétons ».

Ce dispositif ne pourra pas être généralisé car dans la plupart des carrefours, les feux sont gérés par une régulation de trafic.

60 Millions de Piétons est plus que réservée sur l’intérêt d'un tel feu jaune piéton.

Certes, « le temps de dégagement » n’est pas bien compris par les piétons, mais il n’est pas sûr que cela soit mieux compris avec cette phase jaune.

En effet, cette phase jaune intermédiaire n’est pas la bonne réponse pour éviter la majorité des accidents des piétons constatés et analysés dans les carrefours à feux. C’est d’ailleurs une idée reçue que de croire que ces accidents résultent d’un non-respect du rouge par les piétons. Cette phase jaune pourrait même créer des accidents supplémentaires car les piétons seraient tentés d'entamer la traversée durant la phase jaune, forcément moins dissuasive que la phase rouge.

En réalité, les deux circonstances d’accident les plus fréquentes pour les piétons sont :

  1. les mouvements de tourne à droite et à gauche des véhicules. C’est la première source d’accidents ; souvent en sont victimes des enfants au début de leur traversée.
  2. une durée du feu vert piéton insuffisante. Cette durée devrait, pour le moins être calculée en prenant comme vitesse de marche du piéton un mètre par seconde, soit à peine dix secondes pour traverser une chaussée de neuf mètres. Ce temps, appelé improprement dans le jargon « temps de dégagement » est souvent bien trop court. De surcroît, il est parfois raccourci. C’est la source d’accident dont sont surtout victimes les personnes âgées qui n’ont pas le temps de finir leur traversée.

L'accusation de non-respects des feux rouge piétons résulte le plus souvent d’un temps d’attente trop long, excédant le plus souvent la minute. Cette longue attente conduit beaucoup de piétons, plutôt jeunes et aguerris, à anticiper le feu vert piéton, mais en prenant en général des précautions qui les exposent à un moindre risque. À noter que ce reproche a été souvent fait aussi aux cyclistes mais qu’il s’est traduit pour eux par une autorisation à franchir les feux rouges. Cette autorisation pour les cyclistes s’est, en revanche, ajoutée aux risques d’accident déjà encourus par les piétons au regard des mouvements tournants.

Pour enfin sécuriser la traversée des piétons dans les carrefours à feux et en réduire l’accidentalité, il conviendrait d’abord que la conception de ces carrefours et leur régulation respectent les règles de l’art et les normes d’accessibilité ce qui, souvent est loin d’être le cas.

C’est pourquoi l’association demande un audit de sécurité des traversées piétonnes dans les carrefours à feux dès le moindre accident de piéton. Il s’agit d’une des quatre recommandations formulées par le Comité des experts du Conseil national de la sécurité routière dans son rapport de 2019. À noter qu'en revanche ce rapport ne propose pas une phase "jaune".

De plus, l’association demande que la réglementation allonge la durée du feu vert piéton en adoptant un temps de dégagement calculé sur la base de 0,8 m/s et non de 1m/s et qu’elle fixe un temps de feu rouge piéton maximum de 90 secondes au lieu de 120 actuellement, ce qui peut facilement s’obtenir par des cycles de feux courts limités à deux phases.

Enfin, une communication nationale pour mieux faire comprendre les règles de circulation en faveur des piétons dans les carrefours à feux s’impose, ce que propose aussi le rapport précité.

60 Millions de Piétons invite le prochain Comité interministériel à la sécurité routière prévu cet été à retenir ces propositions, pour réduire l’inacceptable accidentalité des piétons dans leur traversée.

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